Peut-on ou doit-on communiquer le prix de l’offre du candidat retenu aux autres candidats (évincés) ?
Représentant plus de la moitié des dépenses de l’Etat (et même des collectivités territoriales), la commande publique est un secteur de plus en plus prisé par les jeunes diplômés, mais aussi un secteur très quadrillé par le législateur. Plutôt que de refaire la genèse de ce qu’est la commande publique, j’ai décidé de m’intéresser à un détail de cette branche importante du droit public.
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Mon constat est celui-ci :
Conscient de plus en plus que l’Etat procède désormais à tous ses achats par procédure de commande publique, les entreprises se font désormais une concurrence farouche. De fait, elles se dotent de spécialistes/juristes de la commande publique leur permettant d’interpréter les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs dans le cadre des procédures de marchés publics. Parmi les décisions interprétées par ces spécialistes/juristes figurent les décisions de rejet des offres, plus connues sous l’appellation “notification de rejet”. Ainsi, les entreprises veulent avoir aujourd’hui tous les détails concernant les motifs de rejet de leur offre, et ceux concernant l’offre retenue au détriment de la leur.
Réponse :
Il est d’abord utile de rappeler qu’en matière de documentation, la Direction des Affaires Juridiques du Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique a mis à la disposition du public le formulaire NOTI3 intitulé : “notification de rejet de candidature ou d’offre”. Sa mise à disposition n’a pas nature à scléroser les pouvoirs adjudicateurs à sa seule utilisation au point d’empêcher le droit d’évoluer, mais elle est censée constituer un point de départ, une feuille de route. Comme feuille de route, le NOTI3 indique en son point D (notification de rejet de la candidature ou de l’offre) de détailler les motifs de rejet d’une offre. Cependant, ce qui n’est pas dit, c'est “est-ce que les détails de l’offre retenue constitue-t-il des motifs de rejet qu’il faut énumérer ? Si oui, dans quelles limites ?
Personnellement, ma réponse est oui. D’ailleurs, beaucoup de praticiens le font sans s’en rendre compte. En effet, lors de l’analyse technique des offres, préciser aux candidats évincés ce qui a manqué à leurs offres, augure que le candidat retenu a fourni ces éléments, et ce sans qu’il soit nécessaire de l’écrire. Par conséquent, les aspects techniques n’étant pas les seuls à être considéré pour juger de l’attribution ou non d’un marché, il faudrait aussi communiquer aux candidats évincés le prix de l’offre retenue dans un souci de transparence des procédures.
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Communiquer le prix de l’offre du candidat retenu, bien que logique, est une question qui tend à diviser les praticiens de la commande publique, ceci pour diverses raisons. Pourtant, la mention du montant de l’offre retenue dans la notification de rejet ne constitue pas un manquement à une règle de droits quelconque. Le Conseil d’Etat apporte d’ailleurs des éclaircissements en la matière.
Dans une décision rendue le 30 mars 2016, requête n°327529, le Conseil d’Etat estime que le prix global de l’offre retenue peut être communiqué, mais pas son bordereau des prix unitaires en ce sens qu’il dénote de la stratégie commerciale de l’entreprise et qu’il pourrait ainsi porter atteinte au secret en matière commerciale et industrielle comme le dispose le titre II de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 relative aux diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal.
En conclusion, pour répondre à la question initiale qui était de savoir si l’on peut ou si l’on doit communiquer le prix de l’offre du candidat retenu aux candidats évincés, il convient de conclure deux choses :
- Oui, on peut communiquer le prix de l’offre retenue : il faut respecter la condition de ne pas donner des détails tels que le BPU qui visent à révéler la stratégie commerciale de l’entreprise retenue pour exécuter le marché ;
- On ne doit pas : Cela ne veut pas dire qu’on n’a pas le droit de communiquer le prix global de l’offre retenue, mais plutôt qu’on n'en est pas tenu par les textes en vigueur. Autrement dit, on n’est pas obligé de le faire.
J’espère que vous avez pris un réel plaisir, autant que moi au cours de la rédaction, à lire cette petite recherche.
A bientôt !
Références :
- Requête n°375529 du 30 mars 2016, Conseil d’Etat ;
- Loi du 17 juillet 1978 ;
- Code de la commande publique du 1er avril 2019.